Paul Delvaux : presqu’icône sorcellerie, chemins de fer et vanité

Différents mondes se côtoient dans les œuvres de Paul Delvaux et ne se rencontrent jamais. C’est un peintre obsessionnel doux, qui aime depuis l’enfance les trains, comme beaucoup, les femmes nues, comme beaucoup, et le monde magique de ses contemporains René Magritte et Giorgio de Chirico, comme beaucoup. Par contre, personne d’autre que cet artiste belge n’aura cette instance, tout au long de sa vie, de les réunir en fresques fantastiques et monumentales.

Les femmes de Paul Delvaux sont pratiquement toujours blondes, nues et rarement seules. Leur physique est moderne, fin et musclé, leur pâleur évanescente et leurs seins fermes et hauts. Leur grand regard noir est sous hypnose, instance magique ou somnambulique : elles ne semblent pas voir la personne en face d’elles. Parfois, des hommes moins flattés physiquement et toujours habillés occupent leur espace. Certains sont des références aux personnages de Jules Verne, perdus dans les compositions sans époque du peintre. Les femmes de Delvaux, ces groupes rappelant les sabbats de magie blanche ou noire, inspireront Paul Eluard, poète contemporain du peintre :

Parmi les bijoux les palais des campagnes
Pour diminuer le ciel
De grandes femmes immobiles
Les jours résistants de l’été
Pleurer pour voir venir ces femmes
Régner sur la mort rêver sous la terre
Elles ni vides ni stériles
Mais sans hardiesse
Et leurs seins baignant leur miroir
Oeil nu dans la clairière de l’attente
Elles tranquilles et plus belles d’être semblables
Loin de l’odeur destructrice des fleurs
Loin de la forme explosive des fruits
Loin des gestes utiles les timides
Livrées à leur destin ne rien connaître qu’elles-mêmes.

-Exil- à Paul Delvaux

Le 23 septembre prochain, Paul Delvaux aurait eu 120 ans… il est mort à près de cent, quasi-aveugle, continuant  jusqu’au bout à peindre de mémoire. On pourrait penser que l’arrivée des squelettes dans son œuvre est due à l’apparition de ses inquiétudes face à la vieillesse grandissante. Elle n’est  pourtant qu’une autre facette de ses obsessions d’adolescent : c’est en se rendant au musée d’histoire naturelle de Bruxelles avec son meilleur ami, peintre également, que Delvaux a appris à dessiner. Les squelettes ont donc été de ses premiers sujets et, pour un peintre qui mélange toujours ses objets d’obsession sans jamais les faire se rencontrer, il était naturel que coexistent femmes nues, paysages citadins, trains et squelettes dans une même œuvre.

Presqu’icônique, seulement, Paul Delvaux… parce que le Surréalisme nous a offert tellement de maîtres qu’une place chez les seconds est une place émérite et très relative. Sa mélopée visuelle, poésie étrange et répétitive reste une des plus fascinantes de son époque et l’on ne peut que regretter qu’aucune exposition parisienne conséquente ne lui ait été consacrée depuis plus de cinquante ans.

p

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s