La rencontre avec Guy Peellaert, artiste belge du vingtième siècle, se fait grâce à une bonne bédéthèque, souvent celle d’un survivant des Seventies. Elle passe par la tentative de rapt (hum… d’emprunt) de l’objet désiré pour son originalité et sa grande rareté : Les Aventures de Jodelle et surtout, Pravda la Survireuse, jamais réédité depuis 1968.
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Ces deux bandes dessinées ont d’abord été publiées en épisodes par Hara-Kiri, journal satyrique culte de l’époque, puis en volume individuel. Jodelle, c’est le visage de Sylvie Vartan ; Pravda, celui de Françoise Hardy. L’inspiration de ces deux icônes sixties s’arrête là. Ces héroïnes naissent de la culture rock libertaire de Peellaert, de sa rencontre avec la première bande dessinée du genre, Barbarella (inspirée par Brigitte Bardot), et de son adhésion totale au mouvement Pop Art. L’artiste y trouve de quoi libérer sa propre esthétique stylisée et débridée. En bikini, quelles que soient les circonstances, ou nues sur des motos, ses héroïnes cavalent d’univers existants à d’autres complètement fantasmagoriques, semi-érotiques, colorés et déchaînés. Leurs aventures sont passionnelles, violentes, étranges et d’un humour féroce.
Guy Peellaert n’est pas que dessinateur, sa carrière a beaucoup de facettes : graphiste, affichiste, peintre. Ses techniques sont variées. Il photographie, découpe, colorie, peint et mixe le tout. En bon émule du Pop Art, il se lie souvent à d’autres domaines artistiques et crée des pochettes de disques pour des artistes français à la mode du moment, mais aussi pour David Bowie (Diamond Dogs) et pour les Rolling Stones (It’s only rock’n roll). Pour cette dernière, il a été censuré : seule une culotte restait, sur les marches, après le passage du groupe de Mick Jagger.
Il réalise aussi de nombreuses affiches de film pour : Francis Ford Coppola (The Outsiders), Wim Wenders (Les Ailes du désir, Paris Texas), Martin Scorsese (Taxi Driver), Robert Altman (Short Cuts), Stephen Frears (My Beautiful Laundrette)… et bien d’autres. Son personnage, Pravda, apparaît au milieu des figures du siècle sur l’affiche de One + One de jean-Luc Godard.
De manière générale, son œuvre est un hommage permanent au Rock et à ses icônes. Dans son travail de peintre, il leur fait rencontrer d’autres personnalités populaires de leur décennie ou les réunit autour d’évènements fictifs. Il recrée aussi, parfois, des compositions de peintures classiques ultra-connues. Une série de 125 tableaux, appelée « Rock Dreams » réunit pour dîner Elvis, Mick Jagger, Bob Dylan, John Lennon et David Bowie, fait danser le Che et Ava Gardner ou se rejoindre Prince et une Lady Di nue dans un motel US.
Presqu’icône, Guy Peellaert, cet artiste discret et réservé, qui a plus été reconnu en Amérique et à l’étranger qu’en France. Il y a pourtant longuement vécu, travaillant dans son studio de la rue de Charonne. Précurseur d’une esthétique rock underground unique, ses visions aux couleurs primaires éclatantes, ses montages, restent d’une modernité étonnante et influencent de nombreux créateurs actuels, sans même, parfois, qu’ils connaissent son nom.